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Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !

POISSON LUNE OU LE TRÉSOR D'ASSDOR

par Nimellia

Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !

"Et toi, quel est donc ton mythe? Dans quel mythe vis-tu?" (CG Jung)

 

 

Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !
Typologie des personnages :

La notion de conte implique la présence nécessaire de certains personnages que l'on peut classer :

a) en fonction de leur appartenance sociale et de leur niveau de vie :

- Les riches, les nobles : les rois et les reines,les princes et les princesses, sont les personnages les plus présents (par exemple dans les Contes de Perrault : Griselidis, Peau d'Âne, La Belle au bois dormant, Le maître chat ou le Chat botté, Les Fées, Cendrillon, Riquet à la houppe..)

Dans le conte moderne de « Poisson Lune ou le Trésor d'Assdor », les riches n'apparaissent pas.

Mais l'avidité de certains riches est représentée par l'avidité du Crocodile-Sorcier, éternel frustré qui semble avoir perdu son âme, sa richesse intérieure. Un affamé prêt à dévorer et à consommer la Magie du Monde sans la comprendre.

- Les pauvres, les gens du peuple, les villageois (pour les contes de Perrault on retrouve diverses figures du pauvre dans Griselidis, Le Petit Chaperon rouge, Peau d'Âne, Le petit Poucet, Les souhaits ridicules, Le Maître chat ou le Chat botté).

Dans « Poisson Lune », on comprend que Petite Fille est issue d'une famille pauvre, mais elle possède un don magique qui leur permet de ne manquer de rien. Ce don représente bien sûr la part de richesse intérieure, tout ce processus invisible qui rend une personne plus vivante.

b) en fonction de leur apparence physique :

- les beaux : le plus souvent les personnages de contes sont beaux et la beauté n'est pas l'avantage des riches ( Le Petit Chaperon rouge,issue d'un milieu modeste est la plus jolie petite fille).

- les laids : sont plus rares ( Riquet à la houppe et la soeur cadette de sa femme, Barbe bleue). Le plus souvent sont laids ceux qui sont méchants ( et même si on n'a pas de portait de l'ogre, on imagine mal qu'il soit beau, mais chez Perrault, les laids sont aussi des gentils tel Riquet à la houppe et les beaux sont aussi des méchants, tel le prince qui épouse Griselidis).

La beauté physique chez Petit Garçon et Petite Fille dans Poisson Lune n'est pas décrite, mais elle est sous-tendue par l'éclat de leur naïveté et par toutes leurs qualités (les qualités habituelles dans les contes : courage,

générosité, désintéressement, équité …).

Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !
c) en fonction de leur caractère

- les bons : ceux qui supportent toutes les injustices et autres tourments et qui n'en tiennent pas rigueur à leurs bourreaux telle Cendrillon qui pardonne à ses soeurs leur mépris ou encore Griselidis qui bien que répudiée, aime toujours son mari ; ceux qui préfèrent renoncer à une vie de faste plutôt que de commettre une faute, telle Peau d'Âne qui fuit le palais paternel pour échapper à l'inceste.

Dans « Poisson Lune », les bons vont finir par « déteindre » sur les méchants. Petite Fille et Petit Garçon, dans leur désir de sauver le monde, -avec l'aide de Poisson Lune (il représente la force tranquille des éléments naturels et le lien entre ces éléments naturels, le mystère des profondeurs sous-marines et les éléments surnaturels), d'une sirène (ici c'est la fée aquatique, la représentante du monde féérique de l'enfance), et des poissons magiques-, vont participer à la transformation des personnages dits « méchants ». (Leur méchanceté est mal enracinée sur des leurres. ) Notamment, grâce à la puissance créatrice de la Poésie, ici relatée en quelques mots perçus comme des incantations, nos enfants vont toucher le coeur de leurs ennemis, jusqu'à une explosion de métamorphoses très rapides à la fin de l'histoire, tel un feu d'artifices.

- les méchants : ceux qui ont pour seul objectif de nuire (le loup, Barbe bleue..)

Ici, l'Ogre des mers, le requin marteau, la Sorcière et bien sûr le Crocodile-Sorcier.

Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !

d) en fonction de l'effet sur le lecteur

- ceux qui inspirent la pitié : victimes de la méchanceté et de la jalousie des autres, les victimes de la fatalité, les mal aimés... (mais aussi, par exemple, les parents du Petit Poucet qui sont réduits à abandonner leurs enfants tant ils sont pauvres et qu'ils n'ont pas le courage d'assister, impuissants à la mort de leurs enfants : " Elle était pauvre mais elle était mère. Cependant ayant considéré quelle douleur ce lui serait de les voir mourir de faim, elle [...] consentit.") - ceux qui inspirent le dégoût, tant ils sont cruels et méchants ( telle la belle-mère de Cendrillon ou encore le mari de Griselidis même si par ailleurs il fait amende honorable et regrette les tourments qu'il a fait subir à sa femme ; la Barbe bleue…) . - ceux qui font rêver : les fées, mais aussi les princes et les princesses, tous les personnages qui connaissent une fin heureuse ( par exemple, grâce à la rencontre du prince charmant, telle La Belle au bois dormant, ou tous ceux qui sont dignes d'admiration telle Griselidis, le parangon de la patience et de la vertu, tous ceux qui ont une chance extraordinaire, tel le cadet qui a hérité d'un chat ingénieux qui fait sa fortune, ceux qui concluent un mariage heureux. Qui n'a pas rêvé un jour d'être une princesse et de rencontrer le prince charmant ?).

Ici, Petit Garçon et Petite Fille intègrent la métamorphose générale qui a lieu à la fin du conte : lui devient un « Petit Prince », et elle, une « Chevalière ». Ils sont unis par l'aventure partagée et s'en vont main dans la main.

- ceux qui font peur : l'ogre, l'ogresse, mais aussi le loup, et tous les personnages qui sont tellement méchants et injustes, telle la belle-mère de Cendrillon, ou cruels, tel La Barbe bleue, qu'on préfère qu'il restent des personnages de fiction.

Ici également, ce sont les méchants qui font peur : l'Ogre des mers, le requin marteau, le Crocodile-Sorcier et la sorcière, mais ils n'apparaissent pas longtemps, vite vaincu par la magie de la poésie et la conviction des petits héros.

Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !
Les personnages ne sont pas décrits

Ce qui laisse libre cours à l'imaginaire, notamment pour les illustrations.

Ils sont stylisés et réduits à un caractère physique ou moral dominant.

Ainsi le prince est-il toujours jeune et beau, et quand par hasard il n'est pas conforme au type, tel Riquet à la Houppe, sa laideur est largement compensée par un esprit brillant et à la fin du conte, il rentre dans la norme puisque sa femme use de son don pour le rendre beau. Il en va de même des princesses, Peau d'Âne, la Belle au bois dormant sont d'une rare beauté. L'ogre est toujours méchant et affamé ; la belle-mère est toujours méchante et injuste…

Bien plus, ils sont rarement identifiés par un prénom. Les personnages sont le plus souvent anonymes et ils ne sont désignés que par leur fonction, roi, ou fée ...leur métier, bûcheron, meunier, leur parenté,père, mère, fils ou fille de, marraine, soeur, frère ; parfois, c'est un surnom qui individualise le personnage.

- un diminutif affectif : : Fanchon, est la fille bien aimée des Fées, Javotte, une des demi-soeur de Cendrillon, Pierrot, le frère aîné du Petit Poucet, le préféré de sa mère.

- un diminutif péjoratif : Cucendron ( obtenu à partir de ce qu'on appellerait aujourd'hui un mot valise : cul + cendre)ou Cendrillon, surnom plus poli donné par la cadette ; Le Petit Poucet, un pléonasme pour insister sur sa débilité physique.

- une antonomase : le personnage est identifié à un accessoire : le petit Chaperon rouge, Peau d'Âne ; à un détail physique, La Barbe bleue ( il est à noter que le plus souvent le personnage de ce conte est désigné sans le déterminant indéfini, contrairement à l'édition originale des contes de Perrault), Riquet à la houppe, le seul personnage doté d'un patronyme ( Riquet) ; à un état, La Belle au bois dormant.

Le choix de l'anonymat, du prénom ou du surnom courant, permet au lecteur, à l'auditeur, de s'identifier plus facilement aux personnages des contes : les rois, les reines et les princes, ne sont en fait que des pères, des mères, des maris, des enfants, ils n'existent pas en tant que réalité sociale, et dès lors ils incarnent les désirs, les joies et les peines de tout un chacun.

Ce sont des personnages hors du commun, pas seulement les fées, les ogres, ou les lutins , qu'ils soient beaux ou laids, bons ou mauvais, riches ou pauvres, puissants ou faibles,ils sont toujours désignés ou par un superlatif : le père de Peau d'Âne est le roi " le plus grand qui fût sur la terre" ; Griselidis est " [...] l'objet le plus agréable, / Le plus doux et le plus aimable / Qu'il eût jamais vu sur la terre."; Le Petit Chaperon est " une petite fille de Village, la plus jolie qu'on eût su voir" ; Le Petit Poucet est "le plus fin et le plus avisé" ; Cendrillon est "la meilleure personne du monde" ; ou par un adverbe d'intensité : la mère et la fille aînée du conte Les Fées sont " si désagréables et si orgueilleuses qu'on ne pouvait vivre avec elles ; Barbe bleue est " si laid et si terrible qu'il n'était ni femme ni fille qui ne s'enfuît de devant lui." ; ou encore par un comparatif de supériorité : Cendrillon est " cent fois plus belle que ses soeurs".

Aussi sont-ils très éloignés de la réalité de sorte qu'ils sont toujours considérés comme des personnages imaginaires à l'inverse des personnages de roman qui créent un effet de réel.

Franco Fortunato, peintre siennois

Franco Fortunato, peintre siennois

Les personnages : des fonctions.

La présence d'un personnage dans un conte se justifie par le rôle qu'il joue dans l'intrigue. Si de fait, dans certains contes, la situation initiale met en place un certain nombre de personnages, force est de constater que le plus souvent c'est pour mettre en place le cadre dans lequel l'histoire va se dérouler, ils font partie du " décor", ils sont simplement cités, tels les frères aînés dans Le maître Chat ou le Chat botté, ou le père de Cendrillon, et le récit n'y fera plus référence. Le personnage de conte est un actant et Vladimir Propp le définit ainsi dans La Morphologie des contes : " Par fonction, nous entendons,l'action d'un personnage définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l'intrigue" .

Aussi, lorsqu'il n'a plus de rôle à jouer, il disparaît de la narration, tel le père de Peau d'Âne, dont il ne sera plus question dès lors que sa fille quitte son palais pour échapper à l'inceste. Il réapparaît à la fin du conte, pour assister au mariage de sa fille et lui prouver son amour paternel. Il en est de même pour la mère du Petit Chaperon rouge, de Riquet à la houppe, des parents de la Belle au bois dormant, seuls personnages que la jeune fée décide de ne pas endormir pour cent ans. En conséquence, les personnages qui retiennent l'intérêt dans un conte sont peu nombreux.

Les différentes fonctions sont limitées et récurrentes d'un conte à l'autre, seuls changent, éventuellement les noms ( roi, reine, prince, princesse, se retrouvent dans la plupart des contes de fées) et les circonstances. Chaque conte donne donc l'impression de " déjà lu".

Le conte : le plus vieux langage de l'humanité !
Vladimir Propp propose cinq types de fonctions :

- le héros : celui qui concentre toutes les attentions et vers qui sont dirigées toutes les actions, le plus souvent, il s'agit du personnage éponyme.

- le mandateur : il s'agit d'un personnage qui charge le héros d'une mission, par exemple, porter une galette et un petit pot de beurre à sa grand-mère, ou d'un personnage à qui il manque quelque chose, par exemple, le père de Peau d'Âne est en quête d'une femme.

- l'agresseur, le méchant : son rôle est de perturber la vie tranquille du héros, telle la belle-mère de Cendrillon, ou le loup que rencontre le Petit Chaperon rouge...

- le donateur, ou le pourvoyeur : c'est celui qui aide le héros ( l'adjuvant), en lui procurant un objet magique, non sans le mettre à l'épreuve auparavant, telle la marraine de Peau d'Âne qui lui donne sa baguette magique mais qui lui impose de fuir et de subir le sort d'une servante.

- le faux héros : c'est le personnage qui usurpe les mérites du héros, ou qui feint d'être le héros, par exemple, dans Le Maître Chat ou le Chat botté, c'est le chat qui est le héros mais c'est son maître qui passe pour méritant aux yeux du roi.

Toutes les fonctions ne sont pas obligatoirement présentes dans un conte, et l'absence de tel ou tel induit une issue particulière.

On peut envisager une autre classification des fonctions des personnages en prenant les éléments constitutifs d'un schéma actantiel, classification qui n'est pas contradictoire avec la précédente :

- le sujet : par exemple, Cendrillon

- l'objet de la quête: (aller au bal), le prince charmant

- l'adjuvant : la fée

- l'opposant : ses demi-soeurs, sa belle-mère

- le destinateur : celui qui est à l'origine de la quête du héros, par exemple, le père de Peau d'Âne; le mépris de la marâtre...

- le destinataire : le personnage pour qui le héros agit, par exemple, la grand-mère du Petit Chaperon rouge ; le maître du Chat botté.

Enfin, si on prend pour référence les étapes d'un schéma narratif, on peut se permettre les équivalences suivantes :

- le perturbateur = l'agresseur - l'élément équilibrant = le donateur

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Petit rappel sur le schéma narratif et le schéma actanciel :

I. LE SCHÉMA NARRATIF

L'analyse d'un récit peut s'appuyer sur une version simplifiée du schéma narratif selon Propp (empruntée à J.-M. Adam et J.-P. Goldenstein) :

Pour en comprendre l'intérêt analytique et le fonctionnement, on peut commencer par l'appliquer à quelques récits bien connus ; par exemple au Petit chaperon rouge et à la fable de La fontaine Le loup et l'agneau, comme le font André Robert et Annick Bouillaguet dans leur présentation (André ROBERT et Annick Bouillaguet, L'analyse de contenu, Paris, PUF, Que sais-je ? n° 3271. Lire le chapitre V pour une présentation générale).

On s'apercevra alors que dégager le schéma narratif, c'est faire apparaître les moments clés de l'enchaînement des événements.

Appliquer la méthode à d'autres récits, par exemple à un album pour enfants. On s'interrogera sur la prise en compte dans ce cadre de la spécificité de l'image.

On pourra étendre l'analyse du schéma narratif au récit filmique. Également comparer sous cet angle un roman, une nouvelle et son adaptation cinématographique.

II. LE SCHÉMA ACTANCIEL

Le schéma narratif peut être complété par la mise à jour du schéma actanciel. Le schéma actanciel dégage les rapports de force qui s'établissent entre les personnages, et donc font avancer l'action.

On distingue trois catégories actancielles : la relation sujet — objet ; la relation destinateur — destinataire ; la relation opposant — adjuvant.

Le sujet est le héros de la quête ; l'objet est "ce qui, celui qui, celle qui" est convoité : l'objet de la quête. Entre existe donc une relation de désir.

Le destinateur est "ce qui, celui qui, celle qui " souffre d'un méfait ou d'un manque et désigne quelqu'un pour le réparer : le destinataire.

L'opposant est donc ce qui fait obstacle à la quête du sujet, tandis que l'adjuvant est ce qui la favorise.

On a donc un système qui dessine la structure actancielle de tout récit .

(Pour un exemple, voir l'application du schéma actanciel au Loup et l'agneau dans A. Robert, Op. Cit., p. 83/84.

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Les fées

Les fées sont des personnages récurrents de la littérature du Moyen-Âge, parmi les plus connues, La fée Morgane, sa soeur la fée Viviane et leur nièce la fée Mélusine et des contes en général,( que l'on appelle d'ailleurs "contes de fées") on connaît surtout la fée Clochette de Peter Pan et la fée Carabosse qui désigne la fée maléfique, telle celle de La belle au bois dormant, baptisée ainsi bien après Perrault. Ces êtres surnaturels ont en quelque sorte remplacé les déesses de l'antiquité, en tout cas, elles ont gardé leurs pouvoirs et leur ascendant sur les hommes.

Dans les Contes de Perrault, sur les 11 contes, 5 seulement mettent en scène des Fées ( Peau d'Âne, La Belle au bois dormant, Les Fées, Cendrillon et Riquet à la houppe) et un conte met en scène un Dieu, Jupiter, Les Souhaits ridicules. Sur les 12 fées qui interviennent ( dans le conte Les fées, le titre au pluriel n'est pas justifié puisque c'est une seule et même fée qui prend des aspects différents), aucune n' a un nom (La réécriture en prose de Peau d'Âne,donne un nom à la fée : "la fée des Lilas") et une seule est maléfique, la huitième fée qui s'invite au baptême de la princesse de La belle au bois dormant. Ce choix invite à penser que Perrault voulait davantage que les fées engendrent le rêve plutôt que la crainte. - de leurs pouvoirs surnaturels:

- elles ont le pouvoir de métamorphoser : tantôt elles mêmes telle celle du conte Les fées qui prend deux aspects différents selon qu'elle apparaît à l'une ou à l'autre des deux soeurs, tantôt ce qu'elles touchent avec leur baguette magique. Ainsi la citrouille devient carrosse, les souris des chevaux, le rat un cocher, les haillons de riches vêtements, les lézards des laquais.

Il est à noter que ces métamorphoses spontanées et totales respectent le principe analogique que l'on peut observer dans Les Métamorphoses d'Ovide : la métamorphose garde un aspect de l'objet ou de l'animal métamorphosé : les chevaux sont gris, comme les souris, la coupe de l"habit des laquais rappelle la queue des lézards, la forme du carrosse rappelle la rondeur de la citrouille. - elles accomplissent des prouesses, par exemple la plus jeune des fées qui avait assisté au baptême de la Belle au bois dormant, elle se présente au château dans l'heure qui suit l'accident survenu à la jeune princesse bien qu'elle habite " à douze mille lieues de là" ; elles ne peuvent pas arrêter le temps mais elle peuvent mettre en léthargie tout le personnel d'un château pendant cent ans.

- elles gouvernent, infléchissent ou corrigent les destinées humaines. Ainsi, Riquet à la houppe est laid,mais il pourra donner de l'esprit à qui il voudra ; La benjamine des fées de La Belle au bois dormant, à défaut d'infléchir les prédictions de son aînée," je n'ai pas assez de puissance pour défaire entièrement ce que mon ancienne a fait", elle les corrige : " mais au lieu de mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil..."

- elles prédisent l'avenir, ainsi celle qui est présente à la naissance de Riquet à la houppe et qui assure " qu'il ne laisserait pas d'être aimable, parce qu'il aurait beaucoup d'esprit."

- elles récompensent ou punissent, comme l'illustre le conte Les fées : l'une des soeurs est récompensée pour sa bienveillance et sa cordialité, l'autre au contraire est punie par la même fée.

Les fées sont respectées et honorées : le père de la Belle leur offre à chacune " un étui d'or massif, où il y avait une cuiller, une fourchette, et un couteau de fin or, garni de diamants et de rubis." Et dés lors qu'on leur manque de respect, la sentence est immédiate, la huitième fée, qui avait été oublié parce qu'on la croyait morte, et pour laquelle il n'est pas prévu de présent, se venge en prédisant la mort de la princesse. De même l'aînée des Fées paiera cher son orgueil et son manque de courtoisie à l'égard de la fée qui lui demande à boire.

Les fées sont très humanisées : elles éprouvent les mêmes sentiments que les humains : la colère ( La Belle au bois dormant); l' humiliation ( La belle au bois dormant, Les Fées) ; la vengeance ( La belle au bois dormant, Les fées) ; la reconnaissance ( Les Fées) ; elles ont les mêmes qualités et les mêmes défauts que les humains, même s'il est vrai que les fées ont souvent plus de qualités que de défauts : la bonté ( La belle au bois dormant ; Les fées), la bonne marraine de Peau d'Âne donne même à sa filleule sa baguette magique qui lui permettra tantôt de dissimuler sous terre la malle remplie de ses vêtements et de ses bijoux tantôt de la faire apparaître et de l'ouvrir.; la méchanceté (La belle au bois dormant).

Elles ne sont pas infaillibles, la marraine de Peau d'Âne se méprend à quatre reprises dans les conseils qu'elle prodigue, elle ne connaît pas vraiment la puissance de la passion : " Cette fée était bien savante, / Et cependant elle ignorait encor / Que l'amour violent pourvu qu'on le contente, / Compte pour rien l'argent et l'or" et seule la fuite de Peau d'Âne empêche le père de commettre son crime. De plus, leurs pouvoirs sont limités. La jeune princesse convoquée au baptême de la Belle au bois dormant, bien qu'ayant anticipé sur les mauvaises intentions de la vieille fée, ne peut annuler le maléfice prononcé mais seulement l'atténuer. Est-ce à dire qu'il existe une hiérarchie chez les fées et qu'elles sont elles aussi soumises au droit d'aînesse en vigueur au dix-septième siècle ?

Bien plus, leurs pouvoirs sont énigmatiques . En effet, la fée qui préside à la naissance de Riquet à la houppe, est la même que celle qui préside à celle de la cadette du même conte, mais alors qu'elle a fait don au jeune prince, pour compenser sa laideur " le don de donner autant d'esprit qu'il en aurait à la personne qu'il aimerait le mieux", elle prétend qu'elle ne peut " rien [...] du côté de l'esprit [...] mais tout du côté de la beauté". Le conteur la fait-il mentir pour servir son intrigue ou ses pouvoirs sont-ils " à usage unique" ?

Les fées ont aussi un rôle moral ou éducatif. Par exemple, telle fée rassure la mère de Riquet à la houppe sur son avenir et atténue ainsi sa déception maternelle devant un enfant aussi laid, en revanche, cette même fée modère l'orgueil et l'admiration de la future belle-mère de Riquet à la houppe, en lui annonçant que sa fille " n'aurait point d'esprit". La marraine de Cendrillon lui rappelle les vertus de l'obéissance en lui expliquant que les métamorphoses qu'elle a opérées sont limitées. Cendrillon fera l'expérience des conséquences négatives de la désobéissance, même si par ailleurs les conséquences à long terme sont positives La marraine de la Belle au bois dormant est une confidente attentive qui met tout en oeuvre pour que sa filleule échappe au désir incestueux de son père.

Elles mettent à l'épreuve les personnages. Ainsi, la fée des Fées se cache sous les aspects d'une vieille femme ou d'une femme très élégante pour ne pas éveiller les soupçons des jeunes filles et ainsi s'assurer de leur probité ou au contraire de leur malhonnêteté, en conséquence de quoi l'une est récompensée et l'autre est puni.

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Les enfants

Poursuivant nos exemples sur la base des Contes de Perrault, la distinction fille / garçon ( même si de fait on compte davantage de filles que de garçons), ne joue pas de véritable rôle, pas plus que l'âge, qui n'est mentionné que dans La Belle au bois dormant ( la princesse a 16 ans quand elle s'endort pour cent ans) ou leur origine sociale.

Le conte n'attribue pas de rôle différent aux garçons et aux filles : le Petit Poucet et ses frères, tout comme le Petit Chaperon rouge sont exposés aux dangers de la forêt ; Griselidis, la petite bergère, rencontre, comme la princesse de La Belle au bois dormant, un prince charmant. La cadette des Fées, (d'origine modeste), Cendrillon (fille de gentilhomme), Peau d'Âne (fille de roi), vivent comme des servantes et accomplissent les tâches domestiques les plus ingrates ; les fées ne viennent pas uniquement au secours des enfants de haute naissance : la cadette des Fées voit son sort transformé par la rencontre d'une fée.

L'enfant, comme nous l'avons vu précédemment assume une fonction, aussi son "identité" a-t-elle peu d'importance. C'est sur son sort que se concentre l'attention du lecteur. Peu importe ce que deviennent l'ogre, les parents du Petit Poucet, ceux de la Belle au bois dormant... personnages auxquels le conte cesse de faire référence dés lors que l'enfant ne dépend plus d'eux ( à ce sujet, le cas des parents de la Belle au bois dormant est tout à fait révélateur puisque la jeune fée préserve tous les personnages du château, sauf eux, qui subiront le sort commun, à savoir la mort, il n' a paru indispensable à la jeune fée que les parents survivent, alors que pour éviter tout dépaysement excessif, elle a sauvé les servantes, les marmitons et même les animaux). Les contes, s'ils ne sont pas exclusivement des histoires pour les enfants, sont des histoires d'enfants. Qu'ils soient uniques ou non, les enfants sont au centre des contes de Perrault, au point que longtemps la postérité a voulu croire que l'auteur écrivait pour eux. Loin s'en faut le lectorat de Perrault était un public d'adulte.

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Absence d'identité

Hors Griselidis, et encore peut-on considérer qu'il s'agit du diminutif de l'héroïne de Boccace, Griselda), aucun enfant n'est doté d'un prénom, quand ils sont nommés c'est à l'aide d'un surnom : - surnom affectif, qui marque le plus souvent la préférence : Pierrot, le frère aîné du Petit Poucet, le préféré de la mère, Fanchon,a soeur aînée des Fées, qui est adulée par sa mère; Javotte, une des demi-soeurs de cendrillon - surnom dû à une caractéristique physique du personnage : tantôt il s'agit d'un critère valorisant : la Belle au bois dormant, tantôt il s'agit d'une caractéristique dévalorisante : le petit Poucet. le cas de Riquet à la houppe est particulier puisqu'il est le seul à avoir un patronyme, Riquet, auquel on a accolé la particularité de sa naissance : une touffe de cheveux. - surnom dû à un détail vestimentaire : le petit Chaperon rouge, Peau d'Âne - surnom péjoratif : Cucendron, devenu Cendrillon, car jugé moins incorrect par une de ses demi-soeurs. Les autres enfants sont désignés par leur filiation, fils ou fille de, ou par rapport à la fratrie, frère ou soeur de. C'est qu'il s'agit moins d'individualiser les personnages que de représenter des types d'enfants, beau, petit, aimé, mal aimé, mais aussi leur statut et leurs relations avec les autres. Perrault vise à la généralisation et non pas à l'individualisation: tout enfant peut se reconnaître dans tel ou tel autre enfant, voire dans plusieurs au gré des circonstances.

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